Du sacre des rois de France

Partie 1 : des origines aux carolingiens

L’humanité a connu lors de son histoire de nombreux souverains sacrés et liés aux croyances religieuses. Les souverains de Chine & du Japon sont « Fils du Ciel », les pharaons d’Égypte & les empereurs romains véritable dieu vivant sur Terre, &c. Les exemples sont nombreux, toutefois il s’agira ici d’étudier le cas du sacre des rois de France.

  • Des origines bibliques

Dans un premier temps il est important de rappeler que la sacralité des rois de France est rattachée à des origines bibliques, celle des premiers rois : Saül, David & Salomon.

Le premier, Saül, est désigné à Samuel par Dieu : « Voilà l’homme dont je t’ai parlé ; c’est lui qui exercera le pouvoir sur mon peuple. », mais Saül n’ayant pas accompli les paroles du Seigneur, il dit à Samuel : « Prends une corne que tu rempliras d’huile & pars ! Je t’envoie auprès de Jessé de Bethléem, car j’ai vu parmi ses fils mon roi […] tu me consacreras par l’onction celui que je te désignerai. » & lorsque David se présenta à lui : « Lève-toi, donne-lui l’onction, c’est lui. »

Cette onction a pour effet de faire descendre l’esprit divin sur l’homme & le rendre intouchable, au risque de voir la colère divine s’abattre sur le régicide.
Raison pour laquelle, lorsqu’un Amalécite se vanta d’avoir tué Saül devant le roi David, celui-ci de colère ordonna son exécution : « Comment ! Tu n’as pas craint d’étendre la main pour supprimer le messie du Seigneur ? » David appela un serviteur qui frappa l’Amalécite, puis il dit : « Que ton sang retombe sur ta tête ! Car ta bouche a parlé contre toi quand tu as dit : « Moi j’ai donné la mort au messie du Seigneur. »

– L’onction de David par Samuel, huile sur toile, Antonio González Velázquez, XVIIIe siècle, Académie royale des Beaux-Arts de Saint-Ferdinand.

  • Le baptême de Clovis

Le premier de nos souverains à recevoir l’onction fut Clovis, lors de son baptême par l’évêque Saint Rémi. Le roi Clovis Ier déjà reconnu par les Romains, qui l’ont fait consul honoraire après la victoire de Vouillé, reste toujours un païen ; c’est par son mariage avec Clotilde, fille du roi des Burgondes Chilpéric II, que le chemin de sa conversion a commencé.
La reine Clotilde fervente chrétienne, tente de le convertir, mais il reste méfiant à la fois par conviction, mais aussi par crainte de perdre le soutien de son peuple, encore païen. Il y a aussi le fait que la plupart des Germains se sont convertis à l’arianisme, par le rejet de la double nature du Christ, voyant d’avantage une séparation du Divin au Ciel & de l’Homme sur Terre.
Ce n’est qu’à la bataille de Tolbiac, où au cœur de celle-ci & ne sachant plus à quels dieux païens se vouer, il étendit les bras au ciel & dit : « Ô Jésus-Christ, que Clotilde affirme Fils du Dieu Vivant, toi qui donnes du secours à ceux qui sont en danger, et accordes la victoire à ceux qui espèrent en toi, je sollicite avec dévotion la gloire de ton assistance : si tu m’accordes la victoire sur ces ennemis, et si j’expérimente la vertu miraculeuse que le peuple voué à ton nom déclare avoir prouvé qu’elle venait de toi, je croirai en toi, et me ferai baptiser en ton nom. J’ai en effet invoqué mes dieux, et, comme j’en fais l’expérience, ils se sont abstenus de m’aider ; ce qui me fait croire qu’ils ne sont doués d’aucune puissance, eux qui ne viennent pas au secours de ceux qui les servent. C’est toi que j’invoque maintenant, je désire croire en toi ; pourvu que je sois arraché à mes adversaires. »
À ces mots, les Alamans refluent voyant leur chef tué.

Clovis reçoit le baptême avec trois mille guerriers à Reims, mais le diacre chargé d’apporter le chrême ne parvenant pas à fendre la foule, voit une colombe descendre du ciel & apporter une ampoule au saint évêque, ce qui ajoute donc, une dimension sacrée forte à l’événement.
L’arrivée divine de cette ampoule rattache les rois des Francs aux rois bibliques oint par le Seigneur.

– Baptême de Clovis du Spieghel Historiael, miniature, Jacob van Maerlant, entre 1325 & 1335, Académie royale néerlandaise des arts et des sciences.

  • Des Carolingiens

Il faut attendre néanmoins, le règne de Pépin « le Bref » pour voir un nouveau sacre. Celui-ci n’est, à l’instar de Saül & David, pas appelé à régner. C’est l’appel à l’aide du pape Étienne II, en butte à l’hostilité des Lombards, que la consécration de la deuxième race put advenir.
Pépin est oint & béni comme roi & patrice par le pape ; le fait qu’il soit désigné comme patrice, soit protecteur de la « Ville Éternelle », est un appel non déguisé.

Un contemporain qui avait écrit une note dans un manuscrit rédigé par un moine de Saint-Denis, apporte d’utile précision : « La très noble, très dévote & très dévotement attachée aux saints martyrs Bertrade, revêtue des ornements royaux, reçut la grâce de l’Esprit septiforme par la bénédiction du vénérable pontife. En même temps ce dernier confirma de sa bénédiction, par la grâce du Saint-Esprit, les premiers d’entre les Francs & leur fit à tous défense, sous peine d’interdit & d’une sentence d’excommunication, d’oser jamais élire à l’avenir un roi issu d’un autre sang que celui de ces hommes que la divine piété a daigné exalter & qu’elle a décidé, par l’intercession des saints apôtres, de confirmer & consacrer par la main de leur vicaire le très bienheureux pontife. »

La mention de l’Esprit septiforme est rare dans la Bible & elle est à rapprocher d’un chapitre d’Isaïe, qui définit les dons de l’Esprit du Seigneur dans le contexte de l’annonce du roi-messie : « Un rameau sortira de la souche de Jessé, père de David, un rejeton jaillira de ses racines. Sur lui reposera l’Esprit du Seigneur : esprit de sagesse & de discernement, esprit de conseil & de force, esprit de connaissance & de crainte du Seigneur. Il ne jugera pas sur l’apparence ; il ne se prononcera pas sur des rumeurs, il jugera les petits avec justice ; avec droiture il se prononcera en faveur des humbles du pays […] La Justice est la ceinture de ses hanches, la fidélité est la ceinture de ses reins. »

La royauté carolingienne, sous l’influence des clercs, se présente comme une royauté biblique. Cela implique une vision de la destinée du peuple franc, qui sous la plume d’Étienne II « est au-dessus de toutes les nations. », Paul Ier fait de Pépin : « un nouveau Moïse & un nouveau David. » & fait de la dynastie carolingienne la tête de pont de l’évangélisation & de la défense du continent & de la Chrétienté.

Charlemagne fait référence au roi Josias, qui s’efforça de ramener ses sujets au culte du vrai Dieu.
Louis « le Pieux » se fit sacrer lui aussi par le pape, qui ne manqua pas de montrer qu’il disposait de l’autorité légitimant le pouvoir impérial, en apportant un diadème qui aurait appartenu à l’empereur Constantin.
Mais, à sa mort en 840, l’empire éclata entre ses trois fils & Charles « le Chauve » obtint la Francie occidentale, qui deviendra notre France.
Cela a aussi amené les grands du royaume à donner à la monarchie française une autorité contractuelle, passé entre les Grands & n’associant le roi qu’après son adhésion au contrat défini par ces même Grands ; celui-ci sera renouvelé à chaque sacre.
C’est à partir de ce moment, que la liturgie du sacre se fixa par l’Ordo d’Hincmar, qui sacra Charles « le Chauve », ainsi que son fils Louis « le Bègue ».

– Sacre de Pépin le Bref à Saint-Denis, huile sur toile, François Dubois, 1837, musée de l’Histoire de France au château de Versailles.

Toutefois à cette période, la dynastie carolingienne débute une chute longue et périlleuse amenant à l’élévation d’une des familles les plus puissantes de ce temps, les Robertiens, futur Capétiens !

par Sebastien1er

1 réflexion sur “Du sacre des rois de France”

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