Le procès du sieur Dupont-Moretti ou le reflet de l’inexistence de la justice en république

La justice est une notion large aux acceptions multiples ; cependant celle-ci rencontre une seule direction qui est celle de la vérité. La vérité que dit la justice est reflétée par le sens, la valeur et les conditions de son exercice. En apportant des termes pour offrir une définition négative de la justice on pourrait dire qu’elle n’est pas l’injustice. L’injustice est caractérisée par une iniquité, elle-même marquée par l’immiscion d’un intérêt personnel ou public dans son exercice. La partialité des magistrats est donc source d’iniquité et de facto reflète l’absence de justice.

Plusieurs principes, coaxiaux ou découlant du principe d’impartialité des formations de jugement régissent l’exercice de la justice de telle façon qu’elle reste justice. 

Le principe du contradictoire, c’est-à-dire la parfaite connaissance pour les parties et les juges des arguments de droits et des pièces qui leurs seront présentées participe notamment de l’exercice de la justice. Aussi la protection de la liberté de parole des avocats garantit l’absence de possibilité pour l’Etat de faire peser sur ces derniers la crainte de se voir emmenés aux geôles après leur plaidoirie, comme nous l’a si bien montré la justice révolutionnaire.
La justice royale connaissait tout particulièrement ces principes, à la différence que pour l’Ancien Régime, ils émanaient de la nature de cette dernière, et faisaient l’objet d’un respect découlant de l’éminente idée qu’avaient les anciens du droit et des principes hérités de la prêture romaine. 

La république a tenté de se doter d’une justice par son outil législatif, mais comme toute décision émanant d’un arbitraire humain, les principes désignés par le législateur font, malgré la valeur qu’on veut bien leur allouer, l’objet d’une incessante remise en cause. 

La justice du procès s’arrête là où des intérêts supérieurs aux belles idées droits de l’hommistes nécessitent qu’on les occulte quelque peu. De tels intérêts supérieurs peuvent s’incarner par exemple par la sauvegarde du poste d’un ministre corrompu, qui se trouve être fort utile au gouvernement en place.
Il n’échappera à personne que le ministre en question est parfaitement caractérisé dans le personnage du sieur Dupont-Moretti, dont l’inculpation relève de celle d’un ministre voyou associé à un terrible Babeuf au regard de la verve ordurière du personnage.
La cour de justice de la république a rendu une décision il y a de cela deux jours par laquelle elle n’a pas trouvé d’éléments de culpabilité dans les prises d’intérêt illégales dont le ministre s’est fait le prestidigitateur.

 Il convient de rappeler que le sieur Dupont-Moretti a engagé des enquêtes administratives et fait limoger dans ses fonctions de ministre des magistrats qui avaient eu le toupet de lui faire perdre des dossiers de défense du temps où il était avocat.
Le premier décembre au matin on pouvait entendre les arguments favorables à la décision de la juridiction spéciale invoqués par l’avocate pénaliste Sophie Obadia au microphone de Radio Classique : «Un accord [par cette décision] a été trouvé entre les magistrats et les représentants de la nation».

Il convient de se demander dans quelle mesure cette affirmation pulvérise toute notion de justice.
La cour de justice de la république est une juridiction spéciale chargée de juger les ministres en exercice lorsqu’il font l’objet d’une inculpation. En effet les ministres, à la différence des députés, ne sont pas protégés par l’immunité parlementaire puisque leur mission ne relève pas d’un mandat émanant du suffrage des citoyens, mais de leur désignation par le premier ministre choisi par le président de la république pour former un gouvernement. 

Ainsi les ministres ne sont pas non plus des représentants de la Nation, mais les décideurs de l’exécutif en vertu de l’arbitraire reconnu au président de la république par son élection au suffrage universel, chose toute relative, les lecteurs en conviendront. 


La cour de justice à disposé sur le cas du sieur Dupont-Moretti en vertu de la loi pénale.
Si on s’en tient à cette loi républicaine, les seules causes d’irresponsabilité pénale susceptibles d’ouvrir la voie à un non lieu ou à une relaxe sont  l’abolition du discernement (démence), l’action sous contrainte, l’acte permis par la loi ou le règlement, ou commis sur ordre de l’autorité légitime, hormis si ce dernier est manifestement illégal, la légitime défense, la défense d’autrui ainsi que la minorité.
Il n’est donc pas besoin de connaître tous les détails du dossier d’instruction pour relever qu’il est peu probable voir impossible qu’un ministre qui a fait limoger des magistrats parce qu’ils lui avaient soumis leurs décisions alors qu’il était avocat puisse être reconnu dans aucune des situations précitées. 

Ce n’est d’ailleurs pas ce que relève la cour, car pour elle le délit est caractérisé. En vérité, cette dernière a délibérément fait fi de la loi qu’elle entendait appliquer, comme nous l’apprend Mme. Obadia : «c’est une nouveauté qu’a pris la cour ; d’habitude on ne va pas jusqu’à l’élément intentionnel sur le délit de prise illégale d’intérêt».
Cela signifie que la cour, au lieu de s’en tenir au seul fait que le sieur Dupont-Moretti avait effectivement commis une prise illégale d’intérêt, s’est posé la question de savoir s’il avait volontairement limogé les magistrats qui lui déplaisaient à titre personnel. Et elle en a conclu la négative ! Selon les juges, le ministre avait mal été conseillé; son doigt a ripé sur le bouton «limoger» avant même qu’il ne s’aperçoive qu’il n’aimait pas les magistrats qu’il venait de débouter, quel coup du hasard !
La cour de justice de la république prétend donc avoir fait jurisprudence, et quelle jurisprudence !  Il va falloir réécrire entièrement le code pénal et le code de procédure pénal, réformer l’entièreté de la magistrature pénale, quel bouleversement !
Il convient de relever que d’autant plus qu’une cour de justice qui ne respecte pas même la loi qu’elle entend appliquer, c’est non pas d’injustice mais d’anti-justice qu’il faut parler lorsque celle-ci entend trouver un «accord» avec le pouvoir réglementaire, bafouant ainsi toute notion de débat contradictoire et d’impartialité des juges. Il aurait mieux fallu que le sieur Dupont-Moretti se juge lui-même, la sanction aurait peut-être été plus fidèle à l’esprit de la cour.
Cette décision est une illustration frappante de l’absence de toute notion de justice dans la république à partir du moment où les intérêts de la caste politique et économique y sont mêlés.


Sous la république romaine, le consul qui avait mal agit lors de son mandat était jeté des falaises ; la justice carolingienne et par là même la justice de la Royauté qui en a découlé réservaient une sanction terrible pour le ministre renégat, condamné à l’oubli et à la misère.


Si le sieur Dupont Moretti ne s’était pas trouvé devant des juges républicains, mais devant la justice royale, il n’aurait pas été jugé au regard d’une loi malléable, mais au regard d’une loi immuable et naturelle. Le magistrat d’Ancien Régime n’aurait pas cherché à combler la satisfaction d’un gouvernement auquel il doit son confort matériel, particulièrement le ministre même dont il est tributaire ; mais bien à rétablir l’iniquité qui lui était présentée au regard de Dieu auquel il doit tout. 

Ce qui frappe le plus dans ce simulacre de procès, c’est que comme pour Louis XVI, comme par la Reine et comme pour tous les personnages politiques jugés après 1789, absolument personne n’était incapable de prédire avec précision la décision de la cour, prouvant l’absence d’impartialité complète d’une justice qui empiète sur cette prétention depuis plus de deux-cent ans.
Si le sieur Dupont-Moretti avait été jugé sous la Royauté pour les mêmes faits et en vertu de la Droite Raison, il aurait connu depuis longtemps le prix de la malhonnêteté ; la misère et l’infâmie et cela aurait été juste.


Pour que vive la Justice, vive le Roy !

Sources :
-Radio Classique, Esprits Libres
-Code Pénal, Première partie, Titre II, Chapitre II

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