Ce 27 juillet, nous fêterons les huit cent dix ans d’une bataille qui est considérée par beaucoup comme le point de départ, d’une conscience nationale.
- Contexte
Depuis plusieurs décennies, les dynasties Capétienne & Plantagenêt étaient en conflit.
Le roi Philippe II Auguste, souhaitait renforcer le pouvoir royal & pour cela, il devait mettre au pas les grands féodaux, le plus puissant à cette époque, était le roi d’Angleterre, dont le domaine allait de la Manche aux Pyrénées. Déjà en guerre contre le roi Richard Ie « Cœur de Lion », ce fut face à son frère Jean « Sans Terre », qu’il livra les plus importantes batailles.
En 1202, Philippe II fit tomber en commise l’ensemble des fiefs Plantagenêt pour avoir refusé de donner la justice à l’un de ses vassaux. Il s’empare de la Normandie en 1204, par la prise de la puissante forteresse de Château-Gaillard & promet de respecter les coutumes de Normandie & de restituer les privilèges bafoués par le roi d’Angleterre. En représailles, Jean « Sans Terre » confisque tous les biens des seigneurs normands en Angleterre, cherchant aussi le moyen de renflouer ses caisses éternellement vide, grave erreur qui lui coûtera le reste de son domaine, à l’exception de l’Aquitaine.
En 1214, le roi d’Angleterre cherche le moyen de contrecarrer le royaume de France, mais la plupart des voisins sont ruinés par la Croisade ou ayant d’autres préoccupations. Cependant l’empereur germanique, qui est aussi son neveu, voit d’un mauvais œil la puissance capétienne, ils s’allient donc, ainsi qu’avec les comtes de Flandre Ferrand de Portugal, & de Boulogne Renaud de Dammartin, en proposant un partage de la France : à Jean ses terres, à Otton la Bourgogne & la Champagne, à Ferrand, le Vermandois & à Renaud, l’Île-de-France.
La coalition imagine un plan d’envergure, le roi d’Angleterre débarquerait à La Rochelle & l’empereur germanique passerait par le Nord, dont seules les villes de Douai & de Cassel sont encore françaises.
La bataille de la Roche-aux-Moines, Jean sans Terre à la lutte avec le prince Louis le Lion des Chronique de Saint-Denis, enluminure, auteur inconnu, xive siècle, British Library.
Le roi devant faire face à une situation des plus critique, fait appel à l’ost, ainsi qu’aux milices bourgeoises & marche contre l’anglais, mais apprenant l’avancée teutonne, il envoie son fils le prince Louis (futur Louis VIII « le Lion ») garder la Loire. Jean « Sans Terre » décide de mettre le siège devant la forteresse de La Roche-aux-Moines, qui était dirigée par Guillaume des Roches, sénéchal d’Anjou, déterminé à ne rien céder. Le 2 juillet, devant la menace de l’armée du prince Louis, Jean « Sans Terre » décida une retraite, laissant derrière lui, machines de sièges, bagages & trésor.
De cet affrontement, viendrait l’expression « filer à l’anglaise ».
Maintenant libéré de la menace au Sud, le roi Philippe II, pouvait prendre l’initiative au Nord.
- L’avant-bataille
L’empereur Otton, fait jonction avec le comte Ferrand, à Nivelle, le 12 juillet, puis se dirigent vers Valenciennes, où le camp est établi.
Le 23, après avoir convoqué le ban, l’arrière-ban & les milices bourgeoises, Philippe II réuni une armée d’environ sept mille hommes & quittent Péronne pour Douai & plante l’oriflamme de Saint-Denis à Tournai le 26 ; son objectif, couper l’ennemi de ses renforts en provenance des Allemagnes.
Bataille de Bouvines, 27 juillet 1214, huile sur toile, Horace Vernet, 1827, Musée de l’Histoire de France au château de Versailles.
L’empereur a vent de la manœuvre & se déplace à Mortagne ; après, avoir observé l’armée impériale à deux lieues de distance, le roi de France propose d’attaquer, mais conscient de l’infériorité numérique, ses commandants lui proposent de se replier sur Lille.
L’armée impériale décide donc de suivre l’armée royale & le dimanche 27 juillet, la journée sera décisive.
Traversant la Marque, l’ost royale est poursuivi par les chevaliers flamands, Philippe Auguste qui en est averti, fit une oraison & décida de faire volte-face, à la stupeur de l’ennemi qui s’attendait à combattre l’arrière-garde.
L’ost française compte sur son aile droite, les chevaliers bourguignons & champenois, ainsi que les hommes d’armes & milices paroissiales de Bourgogne, de Champagne & de Picardie commandées par le duc Eudes de Bourgogne & ses lieutenants.
Sur son centre, l’infanterie des communes d’Île-de-France & de Normandie, sous le commandement du roi & de ses chevaliers.
Sur son aile gauche, composée de la gendarmerie bretonne & des milices de Dreux, du Perche, du Ponthieu & du Vimeu, commandée par Robert II de Dreux & Guillaume II de Ponthieu.
Le pont de Bouvines, unique point de retraite, est gardé par cent cinquante sergents d’armes.
L’ost coalisée compte sur son flanc gauche, les chevaliers & soldats flamands & hainuyers de Ferrand de Portugal.
Au centre, les chevaliers & fantassins brabançons & allemands, hérissant leurs piques & les saxons en réserve, commandé par l’empereur Otton.
À droite, l’infanterie brabançonne & les chevaliers anglais, commandés par Renaud de Dammartin & le comte de Salisbury.
- La bataille
C’était un jour d’été, sans nuage & dont le soleil frappait, face à l’ennemi.
Au début de l’engagement, la légende rapporte cette phrase du roi : « Je porte la couronne, mais je suis un homme, comme vous, tous vous devez être roi & vous l’êtes par le fait, car sans vous, je ne puis gouverner. »
Plan de bataille de la bataille de Bouvines.
Le premier choc survient entre les hommes d’Eudes de Bourgogne & ceux de Ferrand, la cavalerie française perçant les lignes ennemis par de nombreuses fois.
Au centre, l’infanterie germanique avance, dans l’objectif de tuer le roi, une partie de l’aile gauche se déporte au centre dans ce but.
Sur la gauche, les Français commencent à fléchir, mais l’évêque de Beauvais, Philippe de Dreux, brise l’élan des troupes Anglo-brabançonne & fait voler le heaume du comte de Salisbury.
Dans les combats, Enguerrand III de Coucy charge Otton & le désarçonne ; au même moment, le roi Philippe II, au milieu de la mêlée reçoit une lance déviée par son armure, mais les soldats Teutons le tire & le jette au sol, à la merci des allemands, il doit son salut à l’intervention de ses chevaliers, qui font rempart de leurs corps & de sa garde, qui massacre l’ennemi.
Une faille se formant sur l’aile gauche coalisé, les chevaliers français chargent à revers le comte Ferrand, qui se rend.
Au centre, les impériaux s’empilent sur les morts & les blessés & sur lesquels ils trébuchent sous la charge française ; ceux qui se trouvaient à l’arrière comprenant mal les évènements & voyant des fuyards, commencent à se débander.
Au même instant, l’empereur manque de se faire tuer & doit son salut à sa fuite, qui annonce le début de la fin.
Robert de Dreux se trouve en difficulté & est obligé de défendre pied à pied le pont, mais une fois le comte de Salisbury capturé, les Anglais prennent la fuite.
Renaud de Dammartin est le dernier à se battre, mais à la vue de la débandade générale, il finit par se rendre.
La victoire est totale.
- Conséquence
La bataille gagnée, le roi peut imposer le traité de Chinon, qui contraint Jean « Sans Terre » à accepter la perte de ses possessions françaises, à l’exception d’une part de l’Aquitaine, ainsi qu’à verser une somme de soixante mille livres.
Six jours de festivité & de liesses furent organisés, début d’une unité nationale ; car cette bataille n’avait pas vu uniquement des chevaliers, mais aussi les milices des villes qui ont accourus à l’appel royal.
L’abbaye Notre-Dame-de-la-Victoire-lès-Senlis sera fondée entre Senlis & Mont-l’Évêque.
Ainsi, le roi de France & non plus des Francs, devenaient l’arbitre incontesté dans son royaume.
Les conquêtes territoriales de Philippe Auguste, entre son avènement (1180) & sa mort (1223)
Le roi Philippe II Auguste mourut le 14 juillet 1223, après quarante-deux ans de règne.
Eudes III de Bourgogne, blessé, repartit pour ses terres & chevauchera encore longtemps, jusqu’à sa mort le 6 juillet 1218.
Mathieu II de Montmorency, qui était parmi les lieutenants du duc Eudes, dont la légende veut qu’il ramenât douze enseignes impériales, fut fait connétable & mourut, le 24 novembre 1230.
Guillaume II des Barres, dont la rage a sauvé le roi, reçut une pension de trois cents livres & mourut, le 23 février 1234.
Enguerrand III de Coucy, qui désarçonna l’empereur Otton, pris part à la Croisade des Albigeois & fera construire de nombreux châteaux, dont l’impressionnante forteresse de Coucy, il mourut accidentellement en 1242.
Étienne de Longchamps, chevalier anglo-normand, homme courageux & dévoué, meurt pendant la bataille.
L’évêque Philippe de Dreux, dont la charge brisa le flanc droit de l’ennemi, mourut le 2 novembre 1217.
L’empereur Otton IV, qui avait fui le champ de bataille & où il perdit sa couronne, fut déposé par les princes & mourut en ses terres de Brunswick le 19 mai 1218, oublié de tous.
Le roi Jean « Sans Terre », qui rentra en Angleterre sans avoir combattu, dû faire face au barons anglais & fut contraint de signer la Magna Carta, la Première Guerre des Barons éclata peu après, il mourut de dysenterie, le 19 octobre 1216.
Ferrand de Portugal, capturé à Bouvines & dont ont dit « Ferrand ! Te voilà ferré. », fut libéré le 6 janvier 1227 en échange d’une rançon de cinquante mille livres & jura fidélité au roi, serment auquel il s’y tiendra jusqu’à sa mort, le 27 juillet 1233.
Renaud de Dammartin, capturé à Bouvines, vit ses terres confisquées & sa fille Mathilde mariée à Philippe Hurepel, fils de Philippe II, il ne fut jamais libéré & mourut dans la forteresse du Goulet, le 21 avril 1227.
Guillaume Longue-Épée, renversé d’un coup de masse par l’évêque de Beauvais & capturé, meurt en 1226.
Philippe Auguste ramenant Ferrand de Portugal, comte de Flandre & Renaud, comte de Boulogne, faits prisonnier à la bataille de Bouvines des Grandes Chronique de France, enluminure, auteur inconnu, vers 1375-1380, département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France.
Rex Franciæ, rex victoriæ !